Il existe un rituel dominical pratiqué partout en Espagne à une heure indéterminée entre midi et le moment du déjeuner, mais avec certaines nuances et spécificités locales. Une fois les églises vides, les bars se remplissent avec un autre type de paroissiens, mais avec la même dévotion. C’est l’heure du vermouth, un rituel très important à Bilbao.
Le mot vermouth vient du terme allemand wermut, l’armoise, qui est l’un des ingrédients que l’on ajoute au vin, avec du buplèvre, du clou de girofle, de la cannelle et des fleurs. Tous ces arômes donnent au vermouth sa célèbre touche sucrée. À partir du XVIIIe siècle, cette boisson, alors consommée dans toute l’Europe, est véritablement devenue à la mode en Italie du Nord, puis elle est arrivée en force dans le nord de l’Espagne. Le vermouth a pris sa place avec décision dans les bars de Bilbao, comme une boisson accessible et rafraîchissante. C’est le must du dimanche dans le Pays Basque espagnol.
Aromatiser un vin médiocre avec une grande quantité d’herbes était une bonne façon de rendre ce type de boisson accessible à une clientèle dont l’économie était modeste. C’est pour cette raison que le vermouth a toujours été la boisson populaire par excellence. Mais vers le milieu du XXe siècle, pour se distinguer des classes populaires sans pour autant renoncer au vermouth, de nombreux clients ont commencé à l’utiliser comme base pour le combiner avec d’autres ingrédients, s’identifiant davantage à James Bond (qui le mélangeait, sans l’agiter, avec du gin) qu’aux alcooliques du petit peuple. Les premières références au vermouth comme base de cocktail viennent du célèbre mixologue Chicote dans son livre datant de 1924. Il faisait allusion à une boisson très tendance née dans les bars américains.
Parmi les boissons nées à cette époque, l’une des plus appréciées était le Mariano, et elle le demeure encore aujourd’hui. Certains disent que son nom provient de la combinaison des deux principales marques de vermouth (Martini et Cinzano) ; d’autres affirment que son nom vient d’un certain Mariano, l’homme qui aurait breveté ce breuvage. Quoi qu’il en soit, sa composition nous intéresse davantage que son étymologie.
Le Mariano, Marianito pour les intimes, est un mélange élaboré à base de vermouth, de gin, d’angostura et de Campari. Cette boisson est une véritable institution à Bilbao, où elle est également connue comme vermouth préparé. Vous pourrez le déguster avec de délicieuses gildas (petites brochettes composées d’olives, de piments et d’anchois) ou avec toute autre spécialité locale, afin d’en atténuer les effets. N’importe quel moment est opportun pour commander un Mariano (même s’il est préférable d’attendre une heure décente), mais c’est autour de midi que la plupart des habitants de Bilbao commencent à s’emparer des rues et des bars pour se délecter de cette boisson. Si vous avez envie d’en faire autant, prenez note et laissez-vous tenter par les adresses suivantes :
Estoril (Place Campuzano 3, Bilbao). « Sur la quarantaine de clients qui viennent à l’Estoril le samedi et le dimanche midi, près de 38 prennent des Marianitos », affirment les gérants de ce bar emblématique de Bilbao. Si vous voulez vous en rendre compte par vous-même, nous vous recommandons d’être le numéro 39.
Ander Etxea (Barrenkale 10, Bilbao). Ici les Marianos ont plusieurs couleurs. Le Mariano traditionnel est rouge et le bleu contient du Curaçao au lieu du Campari. Il est servi dans un verre à cocktail pour accentuer son glamour. Nous vous recommandons de ne pas en boire plus de deux si vous ne voulez pas finir par terre, ce qui serait peu glamour et loin du style de James Bond.
Urdiña (Plaza Nueva 5, Bilbao). Ici le Mariano est servi presque granité. Sa composition n’est pas un secret, mais les quantités demeurent un mystère. Il est composé de Campari, d’angostura, de Tanqueray et de Carpano (un vermouth italien). Il ne faut jamais y ajouter d’olive car elle tuerait son goût, en revanche, on ajoute quelques gouttes de jus d’orange, plus savoureux que la peau.
L’Ayala (Manuel Allende 18, Bilbao). Ce bar est célèbre pour deux choses : ses calamars frits et son Marianito. Ici on affirme que le secret d’un bon Mariano est de bien l’oxygéner. Assister à sa préparation est une grande expérience.
Laterío (Aretxaga 3, Bilbao). Ici on ose davantage, en mélangeant le produit autochtone avec une touche italienne. Vous irez à la rencontre du Marianito, mais vous resterez sans aucun doute pour les Txakoli Spritz.